Le Klaxon #7
Petit frère de notre « Heure de la Sirène« , le « Klaxon » viens chaque mois avertir sur les avancées de la marchandisation des associations, des investissements à impact social mais aussi sur les contre-feux proposés par les associations.
Newsletter de notre tout récent Observatoire citoyen de la marchandisation des associations et des investissements à impact social (OCMA & IIS), retrouvez les premiers numéros ci dessous.
N’hésitez pas à transmettre vos informations sur le sujet ou à demander votre inscription pour la recevoir auprès de : marianne[arobase]associations-citoyennes.net
Marianne, ne vois-tu rien venir ? Cette feuille vous tiendra régulièrement informés de mes observations, rencontres, actualités autour de la marchandisation et de la financiarisation de l’action associative via les investissements à impact social. Elle deviendra petit à petit la newsletter de l’observatoire de la marchandisation des associations en accueillant vos textes. N’hésitez pas pas à me faire des suggestions, me signaler vos infos et à enrichir cette lettre par vos contributions, textes, témoignages, réactions…
#7 – octobre 2022 : L’Europe marchande ?
Vers un statut associatif européen ? L’idée n’est pas nouvelle mais elle a été récemment relancée par l’adoption le 17 février 2022 par le Parlement européen d’une résolution contenant des recommandations à la Commission sur un statut pour les associations et organisations à but non lucratif européennes transfrontalières. La bataille est vitale pour les associations car au nom de la concurrence libre et non faussée, l’Europe pousse à regarder les associations comme des éléments d’un marché intérieur et les soumet dans ce cadre aux mêmes règles que les entreprises.
Les forces progressistes européennes tentent de défendre le statut associatif mais semblent avoir renoncé à les intégrer dans le spectre des activités d’intérêt général protégées du marché et de la concurrence. Ce renoncement menace les libertés et le principe de non-lucrativité des associations. D’autant plus que tous les pays d’Europe n’ont pas les mêmes statuts associatifs voire n’en ont pas du tout ; la loi 1901 française propose un modèle « haut » de l’association qui, demain, à la faveur d’un modèle européen moins-disant pourrait perdre de sa portée.
Un refuge pour les assos ?
La résolution du 17 février 2022 fait suite au rapport de Sergey Lagodinsky, député européen allemand du groupe les Verts qui proposait un règlement établissant un statut d’association européenne et une proposition de directive pour établir des standards minimaux pour les associations dans les pays européens. L’idée maitresse soutenue par Sergey Lagodinsky visait à créer un refuge statutaire aux associations visées par la montée de l’extrême droite et des répressions sur les associations qui en découleraient mais également plus largement des atteintes aux libertés associatives observées dans plusieurs pays via des campagne de dénigrement, des attaques administratives (coucou le Contrat d’engagement républicain) ou des restrictions de financement pour des motifs politiques. Ce statut associatif européen leur donnerait une forme juridique au niveau communautaire au même titre que les entreprises et les groupes d’intérêts économiques qui l’ont obtenu depuis longtemps.
- Lire la suite sur ce site dédié où tous les klaxons sont téléchargeables.
Contrepoints : Ondes de coop, les Licoornes, la joie et le marché
Le 14 octobre, la Maison des Métallos à Paris accueillait la deuxième édition d’Ondes de Coop, le festival des coopératives de la transition qui avait choisi cette année, le thème de la joie, « une émotion que nous estimons être au cœur de la transformation sociale et écologique », expliquent les organisateurs, Coopaname, Enercoop, Mobicoop et la Nef. Bastien Sibille, porteur de Mobicoop, une plateforme de covoiturage coopérative, sans commission et en logiciel libre, estime qu’il faut « renverser la charge de la preuve entre le marché et nous ». Pour lui, la joie est du côté de la coopération, de l’entraide, du partage quand le marché propose une « joie dégradée ». Blablacar en commercialisant le co-voiturage rend ce « faux partage » triste ; il ne fait sens que s’il est inscrit dans un cadre non-marchand. A ses yeux, « nous sommes dans un engagement de long terme qui va se durcir à mesure que les marchés vont tenter de récupérer nos concepts en les édulcorant. Pour tenir, mieux vaut aimer faire la route avec joie plutôt qu’attendre le résultat ». Le philosophe Patrick Viveret poursuit en opposant la joie aux passions tristes. Ces dernières donnent un sentiment de satisfaction, de jouissance mais qui passe par la domination et la destruction des autres, de la nature. Elles reviennent comme un boomerang vers la personne qui ne parvient pas à passer d’une jouissance perverse, à laquelle nous pousse la marchandisation et sa frustration organisée, à une joie véritable, sereine. Il appelle à réencastrer l’économie (au sens de l’économie de la maison) dans l’écologie ; à redonner du sens aux mots comme celui de valeur : « ce qui donne de la force de vie » en le dégageant de son approche exclusivement monétaire plus récente.
À lire, à voir
- Vous trouverez ici les actes de notre université d’été, des actes qui n’en sont pas vraiment puisqu’ils ne sont pas exhaustifs mais tirent des réflexions à partir de nos travaux collectifs, instrumentalisation, marchandisation, managérialisme, mise à mal des libertés associatives, le scénario de l’affaiblissement du monde associatif croise celui de son renforcement avec toutes les inventions et initiatives associatives face aux grands enjeux sociaux et écologiques.
- Le film La (très) grande évasion nous emmène dans les coulisses de la délinquance en col blanc, de l’explosion de l’évasion fiscale et de ses conséquences sur les budgets de nos Etats. Il révèle les mécanismes d’évasion, leur simplicité pour les très grandes fortunes et leur capacité à avoir toujours un train d’avance face aux timides tentatives pour les réguler. Il faut dire que les cabinets conseil comme Deloitte, KPMG et PWC pèsent sur les gouvernements (quand ils n’y participent pas directement) pour qu’ils adoptent des législations favorables. Les grandes banques françaises comme Société générale ou BNP Paribas apparaissent comme les champions dans cette course contre l’impôt. La (très) grande évasion, un film de Yannick Kergoat, au cinéma le 23 novembre.
- L’abeille, une marchandise ? Bee-washing ou comment la marchandisation du sauvetage des abeilles vire à l’absurde.
- L’urbanisme tactique et sa marchandisation. La Générale, laboratoire artistique politique et social, organisait en juin dernier sa deuxième édition du festival Futur parfait pendant lequel une table ronde questionnait la marchandisation de ces lieux issus de la culture squat ou lieux dit intermédiaires par des acteurs comme Plateau urbain ou le groupe SOS qui, selon cette table ronde, « ont fait des lieux temporaires leur fond de commerce ». « Pendant longtemps, nous pensions que nous devions lutter contre des expulsions manu militari, or on se retrouve aujourd’hui expulsé par le marché ». Une table ronde passionnante à écouter en ligne et une enquête très intéressante du Chiffon à lire sur la marchandisation à l’œuvre dans les Tiers lieux où l’on retrouve, encore elle, BNP Paribas.
- Un article sur la marchandisation du cinéma qui questionne la montée d’une « novlangue inquiétante », reflet d’une « logique marchande décomplexée », « [qui] vante produits culturels, rentabilité, concentration de grands groupes ».
Sources
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000021712266
- https://www.associations-citoyennes.net/wp-content/uploads/2017/01/atelier-N°9-Resocialiserle-social-13janv17-MCh.pdf
- L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au Marché total. Alain Supiot, Editions du Seuil, 2010.
- Ralentir ou Périr, l’économie de la décroissance. Timothée Parrique, Editions du Seuil, 2022.